Les médecins formés à l’étranger (MFE), qui représentent de 20 à 25 % de la main-d’œuvre médicale canadienne, sont depuis longtemps un pilier du système de santé canadien, en particulier dans les collectivités éloignées et rurales. Offrant aux médecins formés à l’extérieur du Canada une voie accélérée vers l’obtention d’un permis d’exercice, le parcours de l’évaluation de la capacité à exercer (ECE) joue un rôle déterminant dans l’intégration rapide et sécuritaire de médecins qualifiés dans le système de santé. En menant des évaluations cliniques en milieu de travail pour s’assurer que les médecins répondent aux normes canadiennes, ce parcours offre une solution de rechange au long processus de requalification, réduisant le délai pour l’entrée en pratique au Canada tout en maintenant la qualité. Depuis 2018, plus de 1 500 MFE ont pu commencer à exercer grâce à un programme d’ECE, ce qui représente un jalon important puisque près de 1,5 million de personnes au Canada reçoivent désormais des soins de la part de médecins ayant suivi un tel programme. Dans un rapport sur la crise des soins primaires au Canada publié en octobre 2024, trois sénateurs ont fait écho à ce succès, soulignant que le modèle d’ECE constituait une solution rapide et rentable pour accroître le nombre de médecins de famille au pays, et demandant conséquemment l’expansion des programmes d’ECE.
Avant le début de la collaboration pancanadienne sur l’ECE en 2018, plusieurs provinces administraient leur propre programme d’ECE pour évaluer les compétences des MFE qui souhaitaient exercer dans leur province. Cependant, des différences entre les programmes ont soulevé d’importantes préoccupations sur le plan de l’équité et de l’uniformité. Appuyé par le financement de Santé Canada, la Collaboration nationale en matière d’évaluation (CNE) de l’ECE a été créée pour harmoniser et normaliser les programmes d’ECE à l’échelle du Canada, assurant ainsi une évaluation uniforme et équitable des MFE tout en maintenant des normes élevées en matière de sécurité des soins. « À la base, l’ECE de la CNE est un effort de collaboration », explique Sandra Roberts, gestionnaire de programme au Conseil médical du Canada (CMC). « Il regroupe les programmes provinciaux d’ECE, des médecins, des évaluateurs et les ordres des médecins, tous unis par un engagement commun en faveur de la prestation de soins de santé sécuritaires et efficaces à l’échelle nationale. » Elle souligne que cette collaboration reflète la robustesse d’un système au sein duquel divers professionnels visent un objectif commun, soit celui d’aider les médecins qualifiés à obtenir un permis d’exercice sans restriction. Elle ajoute que les données récentes issues de l’évaluation annuelle des programmes d’ECE montrent que ceux-ci répondent à 97 % des normes pancanadiennes en la matière, ce qui confirme les avantages d’une approche nationale cohérente et de haute qualité.
Dès 2012, l’ECE de la CNE a jeté les bases de la mise en œuvre d’un parcours pancanadien d’ECE afin de simplifier le processus d’évaluation des MFE, et a commencé à travailler à l’élaboration d’un cadre en vue d’élaborer et de maintenir des lignes directrices et des outils communs d’évaluation. Reconnaissant depuis un certain temps la nécessité de simplifier le processus d’évaluation, le CMC a activement soutenu cet effort de collaboration et a fourni le leadership et l’infrastructure nécessaires pour rallier les programmes provinciaux sous l’égide du Groupe de travail sur l’ECE de la CNE. Ce forum a donné lieu à l’adoption d’une approche nationale concertée en matière d’ECE grâce à une collaboration pancanadienne et à la mise en commun de normes et d’outils. Dans le cadre de cette initiative, l’examen lié à la prise de décisions thérapeutiques (PDT), désormais utilisé par la plupart des programmes d’ECE pour la sélection des candidats, a été mis en œuvre en 2018, marquant une étape importante vers un processus d’évaluation normalisé favorisant l’intégration sécuritaire des MFE.
La collaboration pancanadienne en matière d’ECE s’est considérablement élargie au fil des ans, passant des cinq premières provinces à avoir adopté le cadre de l’ECE de la CNE à neuf provinces offrant désormais un programme d’ECE – le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ayant lancé le leur en 2023, et la Nouvelle-Écosse ayant établi un modèle centralisé novateur d’ECE avec l’ouverture du Physician Assessment Centre of Excellence (PACE) en 2025. Il convient de souligner que des représentants de toutes les provinces canadiennes ont pris part à la dernière réunion du Groupe de travail sur l’ECE de la CNE, ce qui témoigne de l’ampleur, à l’échelle nationale, de l’engagement et de la collaboration dans le cadre de cette initiative.
Grâce au soutien financier de leur gouvernement provincial respectif, les programmes d’ECE ont considérablement augmenté leur capacité d’intégrer de plus en plus de MFE qualifiés – dont la plupart vivent déjà au Canada en tant que citoyens canadiens ou résidents permanents – dans le système de santé canadien. Mme Roberts souligne que de 2018 à 2024, le nombre de médecins prenant part à un programme d’ECE est passé de 130 à 363 par année, soit une augmentation de 179 %. Elle ajoute que si la voie de l’ECE visait initialement à desservir les collectivités rurales et éloignées, sa portée s’est désormais élargie à toutes les régions où les besoins sont importants.
À mesure que les programmes d’ECE continuent de s’étendre, Mme Roberts souligne l’importance de veiller à ce qu’ils répondent aux besoins de toutes les personnes concernées en tenant compte de l’expérience des participants ainsi que des évaluateurs. L’expansion des programmes repose notamment sur le recrutement d’un plus grand nombre de médecins évaluateurs, qui sont la pierre angulaire de l’ECE. « Leur engagement demeure le moteur du succès des programmes », explique-t-elle. « Bon nombre d’évaluateurs sont eux-mêmes d’anciens candidats à l’ECE qui sont motivés par le souci d’aider d’autres MFE et d’améliorer l’accès aux soins. » Le succès des programmes d’ECE se reflète également dans les points de vue des participants. Selon de récentes données d’évaluation recueillies par les programmes, les participants à l’ECE font état d’un haut degré de satisfaction dans plusieurs domaines clés : 96 % d’entre eux ont déclaré avoir reçu un soutien adéquat tout au long du processus, et 94 % ont estimé que les évaluations reflétaient fidèlement leur expérience clinique antérieure.
Même si la voie de l’ECE est bien établie, des données probantes plus complètes doivent être recueillies pour en vérifier le véritable impact au Canada et en assurer sa réussite future. En collaboration avec tous les programmes d’ECE, une étude pancanadienne a été lancée pour faire le suivi des résultats d’ECE au fil du temps, et ce, dans le but d’examiner dans quelle mesure les MFE réussissent leur intégration dans le système de santé et améliorent l’accès aux soins dans les collectivités qui en ont le plus besoin. Cette recherche longitudinale permettra de cerner les forces et les aspects à améliorer des programmes d’ECE; elle aidera également à faire en sorte que les décisions relatives à l’ECE soient équitables, efficaces et dans l’intérêt du public.
Grâce au financement de Santé Canada pour favoriser et renforcer le déploiement des programmes d’ECE partout au Canada, l’équipe du CMC a également commencé à mettre à jour le matériel et les outils de formation des évaluateurs pour faire en sorte qu’ils soient conformes aux pratiques exemplaires et à l’évolution constante de la formation médicale axée sur les compétences. « Les outils mis au point à l’origine étaient essentiellement axés sur la médecine familiale », explique Mme Roberts à propos de cette entreprise majeure. « Une partie de ce travail de modernisation consiste à s’assurer qu’il y aura du matériel et des outils de formation qui seront utiles à tous les médecins partout au Canada, tant en médecine familiale que dans d’autres spécialités. »
En aidant à répondre aux besoins du Canada en matière de soins de santé, les programmes d’ECE font une réelle différence, et d’autres progrès sont à venir. Lorsqu’elle réfléchit à l’avenir de l’ECE, Mme Roberts estime que celui-ci s’annonce prometteur. Elle est convaincue que les programmes provinciaux d’ECE continueront à collaborer et à se renforcer afin d’ouvrir davantage de portes aux MFE, ce qui permettra ultimement d’améliorer l’accès aux soins de santé. « L’ECE est plus qu’une voie d’accès à l’obtention d’un permis d’exercice », dit-elle. « Au-delà des chiffres, cela représente de l’espoir pour les MFE qui souhaitent mettre leur expertise au service des collectivités où les services de soins de santé sont grandement nécessaires. »